Pour en finir avec l’effet Laffer (ou le « trop d’impôts tue l’impôt »)

Dans les années 70, l’économiste Arthur Laffer construit une courbe au nom éponyme qui restera célèbre. Cette courbe est censée représenter le fait supposé que lorsque les impôts augmentent trop, les recettes fiscales diminuent. Et inversement, lorsque les impôts diminuent les recettes fiscales sont supposées augmenter. C’est l’effet Laffer et c’est un gros mensonge (ou fakenews) créé sur une nappe de table de restaurant (selon la légende). Ce gros mensonge, cette grosse fakenews, qui empoisonne depuis plus de 30 ans les politiques économiques actuelles des gouvernements occidentaux a tout de même permis à Laffer de devenir conseiller du président Reagan. Malheureusement pour Laffer et ses apôtres, les faits, eux, ne mentent pas. C’est ce que je vais démontrer.

1. La courbe de Laffer

Voici la fameuse courbe de Laffer, chérie par tous les néolibéraux.Courbe_de_Laffer

Cette courbe est la traduction graphique de l’antienne « trop d’impôts tue l’impôt » ou autrement dit l’idée selon laquelle si l’État augmente trop les impôts, les recettes diminueront parce que cela découragera l’activité, favorisera la fraude ou l’exil fiscal.

En première analyse, on pourrait être séduit par cette théorie : il est certain que payer davantage d’ impôts pour engraisser certaines personnes n’a rien de séduisant et que si on peut y échapper d’une manière ou d’une autre, tout le monde le fera. Sauf que…

Cette première analyse, un peu simpliste mais trop entendue chez les néolibéraux, oublie que les impôts ne sont pas là pour engraisser une caste mais pour fournir des services à TOUS les citoyens. Pensez par exemple à la santé, à l’éducation, à la sécurité et la justice, entre autres. Ainsi, considérer l’impôt comme une confiscation ou un vol est absurde puisque l’impôt participe à l’activité en étant réinjecté via les dépenses publiques dans le circuit économique.

Dans sa courbe Laffer oublie cela. Il ne comprend pas le problème dans sa globalité, d’où son erreur. Il a une vision quantitative statique alors qu’en réalité, il faut avoir une vision qualitative dynamique, c’est-à-dire se poser la question de savoir à quoi servent les impôts que nous payons et comprendre que ces impôts participent à l’activité économique (juste un exemple : lorsque l’État décide de construire une route, c’est payé par nos impôts et ça fait vivre une entreprise qui va construire la route!)

Remarquons au passage que la courbe de Laffer est une courbe bien symétrique (une parabole) qui atteint son maximum au taux d’imposition de 50 %. Pourquoi ce taux alors qu’aucune étude scientifique n’a prouvé qu’au-delà d’un taux d’imposition à 50 % les recettes fiscales diminueraient. Est-ce pour faire une jolie courbe ?

En réalité, cette courbe, cet effet Laffer, n’a pour but que de tenter de justifier auprès des citoyens les baisses d’impôts accordés aux ultra-riches, aux plus aisés, en faisant croire au citoyen lambda que « finalement si les plus riches sont plus riches, cela va ruisseler sur moi ». Cette courbe n’est pas une courbe scientifique mais une courbe idéologique.

2. L’effet Laffer réfuté par la réalité

Tous les défenseurs de la théorie économique de Laffer et plus généralement tous les défenseurs de ce qu’on nomme communément la théorie du ruissellement citent les exemples du Royaume-Uni sous Thatcher ou des Etats-Unis sous Reagan comme preuve empirique de l’effet Laffer. En effet, ces deux pays, à la même période, ont pratiqué des politiques de baisses d’impôts massives. Pourtant la réalité est là ! Non seulement ces baisses d’impôts n’ont pas permis une hausse des recettes significative comme le prévoyait Laffer mais, pire cela a eu l’effet inverse !

Voyons cela en quelques graphiques. Toutes les données proviennent de l’OCDE et du département du Trésor des Etats-unis d’Amérique. Tout est disponible ici

Commençons par l’Angleterre Thatcherienne. En jaune sur les graphiques la période Thatcher.

Le premier graphique représente le taux de croissance des recettes fiscales provenant de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les société. Si Laffer avait raison, on devrait observer une hausse significative de ces recettes.

recettes fiscales RU (1)

Que remarque-t-on ? Ben rien ! Alors que pour les défenseurs de Laffer, la baisse des taux d’impposition mis en place par Thatcher aurait dû engendré une hausse significative des recettes fiscales, on observe qu’il n’en est rien ! Peanuts ! L’effet Laffer prédit par la théorie n’existe pas en réalité.

On peut regarder s’il on préfère le taux de croissance des recettes fiscales totales en imaginant qu’une baisse des taux d’imposition a un effet sur les impôts et taxes indirectes comme par exemple la TVA.

recettes fiscales RU (2)

Là encore aucune hausse significative des recettes comme le prédisait Laffer.

Regardons maintenant les Etats-Unis (USA). En rouge ce sont les années Reagan, en vert les années Bush Junior qui a lui-aussi pratiqué de considérables baisses d’impôts en particulier envers les plus aisés.

recettes fiscales US (1)

recettes fiscales US (2)

Quelle conclusion ?

Là encore aucun effet significatif des baisses d’impôts comme le prévoyaient Laffer et ses partisans et même pour les années Bush des baisses des recettes. Une étude1 effectuée par Michaël Ettlinger et John Irons du Center for American Progress confirme ma conclusion. Votre trouverez un résumé ici, sur le site du mensuel Alternatives Economiques.

Passons maintenant à la mise à mort finale de la « théorie » Laffer. L’effet Laffer repose sur l’idée que lorsqu’on baisse les impôts, cela stimule l’activité économique, cela fait augmenter la croissance du PIB et in fine, cela engendre une hausse des recettes fiscales. Je vais démontrer , données à l’appui, que c’est complètement faux.

Voyons les graphiques :

croissance RU

croissance USA

Vous remarquerez que les baisses d’impôts n’ont eu aucun impact significatif sur la croissance que ce soit au Royaume-Uni ou aux USA. Que ce soit sous Thatcher, Reagan ou Bush, le niveau de croissance est resté identique aux autres périodes.

Par contre dans le cas des Etats-Unis, on s’aperçoit que la dette publique sous Reagan a explosé !

dette US

3. Conclusion :

L’effet Laffer n’est qu’un mythe, un argument pseudo-scientifique à visée idéologique qui ne repose sur rien de probant. Même les modèles cités par les défenseurs de Laffer se révèlent être des contre-exemples à sa théorie ! Bref l’effet Laffer n’existe pas en matière de sciences économiques.

En revanche l’effet Laffer existe dans le cadre du discours politique. Il sert de justification aux baisses d’impôts pour les plus aisés au prétexte (faux) que cela bénéficiera à tous. En général, excepté les idiots utiles, ceux qui prônent cette politique sont ceux qui ont intérêt à voir leurs impôts baisser…

Les politiciens qui agissent ainsi invoquent Laffer pour donner un semblant de scientificité à leurs actes idéologiques. Sauf que je viens de démontrer que ce discours est complètement fallacieux, c’est une arnaque, ou comme on dit maintenant c’est une FakeNews !


Notes :

Source des données utilisées pour les graphiques

https://www.oecd-ilibrary.org/taxation/data/recettes-fiscales/tableaux-comparatifs_data-00262-fr

https://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/inflation-cpi/indicator/french_29ad7eaf-fr?parentId=http%3A%2F%2Finstance.metastore.ingenta.com%2Fcontent%2Fthematicgrouping%2Fcd417d17-fr

https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?end=2017&locations=GB&start=1960&view=chart

https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?end=2017&locations=US&start=1960&view=chart

https://www.treasurydirect.gov/govt/reports/pd/histdebt/histdebt.htm

1  Michaël Ettlinger et John Irons, Take a Walk on the Supply Side, septembre 2008.

Articles sur le même sujet :

Trop de dépenses publiques ?

Trop de dépenses publiques ? (2)

Le plus gros mensonge de la droite

3 commentaires

  1. Très instructif et bien exposé!

    on aspire tous à la notion de « justice quand on demande à tous de faire des efforts!!!
    or,il semblerait que la facture est plus « salée » pour certains que pour d’autres!
    et ça, ça passe mal!

    d’autre part, la clarté sur le devenir des impôts versés,serait la bienvenue,parfois!!!!

  2. Cet article m’a aucune rigueur intellectuelle. Il s’agit juste d’un argument construit de manière à justifier l’augmentation idéologique des prélèvements obligatoires. Je vous invite à consulter d’autres sources concernant ce concept.

Répondre à chantal Annuler la réponse.